Elsevier

Archives de Pédiatrie

Volume 14, Issue 10, October 2007, Pages 1231-1239
Archives de Pédiatrie

Mise au point
L'information dans le contexte du soin périnatal : aspects éthiquesInformation in perinatal medicine: ethical aspects

https://doi.org/10.1016/j.arcped.2007.07.005Get rights and content

Résumé

Outre son caractère incontournable pour permettre et respecter l'autonomie des parents, informer est une obligation morale et légale. Être informé est un droit fondamental. L'acte d'informer ne peut se concevoir que comme un échange et commence nécessairement par l'écoute de l'autre. L'information, selon la jurisprudence de la Cour de cassation qui reprend l'article 35 du Code de déontologie, doit être claire (impliquant un effort pédagogique, de la disponibilité et le souci qu'elle soit entendue et comprise), appropriée (adaptée à chacun selon le contexte médical et extramédical) et loyale (supposant un contrat moral entre les parents et les soignants qui s'engagent à mettre au service des familles leur humanité, leur compétence, tout en respectant leur position et leur projet). Dans le même temps, cette loyauté suppose de considérer l'incertitude de la pratique du soin en soulignant nos limites dans la définition d'un pronostic. À ce titre, l'information se doit d'être prudente, considérant le risque de projection autoréalisatrice qu'elle peut induire, projection de nature à modifier l'implication des parents dans la prise en charge de leur enfant. L'information doit être cohérente, tant dans l'espace (cohérence entre les différents sites de prise en charge : maternité de niveau I, II, ou III, salle de naissance, réanimation, néonatologie) que dans le temps (cohérence de l'information entre le pré- et le postnatal, immédiat et à distance). Il nous faut cependant compter, avec le fait, que l'information est par essence le reflet de subjectivités individuelles. Il existe une différence fondamentale entre cohérence et uniformité, et l'uniformité en matière d'information ne nous paraît ni possible, ni souhaitable. Dans tous les cas, la priorité doit être donnée à l'information orale dispensée dans un contexte matériel aménagé. Le principe d'une mention écrite des différentes étapes de l'information, de la situation initiale et de l'évolution de celle-ci, est une des garanties de sa cohérence.

Abstract

Besides the undeniable need to respect parental autonomy, providing information is a legal and moral obligation, to be informed a basic right. The act of informing should be considered as an exchange and necessarily begins by listening to the other. According to the jurisprudence of the Court of Cassation that draws on Article 35 of the Deontological Code, information has to be clear (implying an educational effort, availability and to check that the information has been well understood), appropriate (adapted to each situation and person) and honest (which supposes a moral contract between parents and physicians). Loyalty implies a consideration of the uncertainty underlying medical practice, and of the limitations in arriving at a prognosis. Indeed, caution needs to be exercised in conveying information, taking into account the risk of its becoming self-fulfilling, which could modify the way in which parents take care of their child. The information given has to be coherent, both within the spatial dimension (coherence of information between the different maternity services in the perinatal network) and the temporal dimension (coherence of information between pre- and postnatal stages). It must be acknowledged that information is essentially subjective. There is a fundamental difference between coherence and uniformity, and as regards information, uniformity is neither possible nor desirable. In each situation, priority must be given to oral information delivered in an appropriate material context. The principle of establishing, in the medical file, a written trace of the information given at various stages is one way to guarantee its coherence.

Introduction

Le texte que nous proposons ici s'inscrit dans une démarche du Groupe de réflexion sur les aspects éthiques en périnatalogie, où sont également abordés les thèmes des naissances aux limites de viabilité, de la fin de vie en service de réanimation néonatale, des soins palliatifs et des statuts respectifs du fœtus et du nouveau-né, pour lesquels des textes seront publiés [1]. Le présent article porte sur les aspects éthiques de l'information dans le contexte du soin périnatal.

L'information du patient est une obligation morale et légale, et ce, en dehors de toute considération utilitariste, notamment de son caractère indispensable pour permettre un consentement éclairé ; il s'agit d'un droit fondamental du patient, indépendamment de tout usage qu'il en fait. En médecine périnatale, comme dans toute autre forme d'exercice médical, l'information doit être considérée comme une part intégrante du soin. Il existe cependant, en matière d'information, une différence importante entre le contexte périnatal et les autres situations de soin, différence qui tient notamment à l'interlocuteur des soignants. En effet, les soignants en obstétrique ou en néonatalogie sont toujours face à une mère ou future mère, et très souvent un père ou futur père, et ils ont le devoir d'apporter les meilleurs soins aussi bien à la mère qu'au fœtus et par la suite au nouveau-né. À la différence des situations de soins adultes, leur interlocuteur n'est pas directement ou exclusivement la personne soignée. De plus, le risque, sujet principal de l'information, qu'il soit lié à une situation pathologique ou non, ou en rapport avec une intervention diagnostique ou thérapeutique, n'est pas le même pour la mère ou le père ou l'enfant né ou à naître.

Si l'usage courant du verbe informer lui a conféré le sens de « porter quelque chose à la connaissance de quelqu'un », son étymologie amène à dépasser ce sens premier. « Informer » devient alors « in-former » du latin informare qui signifie « représenter » ou « décrire », mais aussi « mettre en forme ». Informer, dans son sens aristotélicien, veut dire « donner une forme à la matière » (P. Le Coz, communication personnelle), matière qui, dans le contexte qui nous intéresse, n'est pas inerte. Elle est faite des savoirs, des croyances, des perceptions et des affects d'hommes et de femmes, parents ou en situation de le devenir, de médecins et plus généralement de soignants. Elle est ainsi, le reflet de subjectivités individuelles avec lesquelles il faut compter. Informer n'est donc pas se limiter à délivrer une connaissance qui viendrait occuper un terrain vierge. Aucun terrain n'est vierge et ce, d'autant plus qu'il existe une multiplication des sources et ouvrages de vulgarisation, notamment par Internet, responsable d'une extraordinaire diffusion d'informations plus ou moins exactes ou approximatives qu'il importe de prendre en compte.

Section snippets

Information : droit fondamental de la personne malade ou de ses représentants légaux

Au niveau international et européen, la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine de 1997 [2] reconnaît le droit à l'information et à la prise en compte de la volonté du patient, non comme une simple obligation du professionnel de santé, mais comme un droit fondamental du patient. Elle consacre, en effet, dans son article 5 le principe du consentement comme une condition nécessaire à toute intervention (le texte entend « intervention » dans son sens le plus large, comprenant les

Acteurs

L'information est en premier lieu une rencontre et ne peut se concevoir que comme un échange qui commence par l'écoute de l'autre. Seule cette écoute permet la découverte de la mère, du père, du couple auxquels nous nous adressons. Elle permet d'appréhender leurs références culturelles et éventuellement leur degré de compréhension de la langue ainsi que leurs références philosophiques ou religieuses. Elle renseigne sur la place de cet enfant, né ou à naître, dans leur histoire, dans leur

Cohérence

La multiplicité des soignants est une caractéristique de la médecine telle qu'elle est actuellement pratiquée, notamment la médecine périnatale. Ces soignants sont différents par leurs métiers, leurs compétences, leurs expériences personnelles, et appelés à intervenir à des moments différents : pendant la grossesse, à la naissance ou en période néonatale. À cette multiplicité des soignants, s'ajoute celle des lieux de prise en charge, qui du fait d'une organisation en réseaux de soins

Quelle information ?

La Cour de cassation [17], en s'appuyant sur l'article 35 du Code de déontologie, a précisé les caractéristiques de l'information qui doit être « claire, appropriée et loyale ».

Comment délivrer l'information ?

Dans tous les cas, la priorité doit être donnée à l'information orale, dispensée dans un environnement aménagé de telle sorte que la dignité des parents soit respectée. Les nouvelles quotidiennes sont inévitablement recherchées auprès des nombreux membres de l'équipe soignante. Les informations « importantes », celles qui engagent l'avenir de l'enfant, peuvent être, suivant les choix d'organisation des services, du ressort d'un senior « référent », celui par exemple que les circonstances auront

Information et urgence

Le caractère urgent d'une situation, imposant décision et action aussi rapides que possible n'est pas rare en médecine périnatale. Comment, dans un contexte d'urgence, préserver les valeurs que nous avons promues ? Comment le faire lorsqu'une femme vient consulter aux urgences de la maternité à la 24e semaine d'aménorrhée, après avoir rompu la poche des eaux, qu'elle présente des contractions douloureuses et rapprochées, une anxiété majeure et des signes laissant penser que l'accouchement aura

Information : pourquoi faire ?

En premier lieu parce qu'elle est due à la mère et au père. Ce fœtus ou cet enfant est le leur, à un moment où la famille se crée ou se développe. Il n'est pas de données concernant sa vie et sa santé qui ne doivent leur être communiquées. C'est à ce titre que l'information quotidienne n'est pas moins importante que celle délivrée en situation de crise.

Cependant, l'enfant n'est pas seulement un patient : il est là, bien vivant, et sa vie à l'hôpital est déjà sa vie, à part entière. Les parents

Références (22)

  • S.A. Mason et al.

    Obtaining informed consent to neonatal randomised controlled trials: interviews with parents and clinicians in the Euricon study

    Lancet

    (2000)
  • U. Simeoni et al.

    Les aspects éthiques de la médecine périnatale : réflexions d’un groupe de travail multidisciplinaire

    Arch. Pediatr.

    (2007)
  • Conseil de l'Europe. Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard...
  • Rapport explicatif à la Convention d’Oviedo http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/195.htm:para...
  • Rapport explicatif à la Convention d’Oviedo http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/195.htm:para...
  • Rapport explicatif à la Convention d’Oviedo http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/195.htm:para...
  • Code de la santé publique. art....
  • Code de la santé publique. art. L-1111-2...
  • Anaes. Information des patients: recommandations destinés aux médecins, 2000....
  • Haute Autorité de santé. Accès aux informations concernant la santé d’une personne. Modalités pratiques et...
  • Haute Autorité de santé. Comment mieux informer les femmes enceintes? Recommandations pour la pratique clinique, 2005....
  • Cited by (22)

    • Neonatal renal replacement therapy: An ethical reflection for a crucial decision

      2018, Archives de Pediatrie
      Citation Excerpt :

      They can only be overcome by the requirement to take into account both concrete on the ground realities and general principles and values acknowledged to be a basis for respecting the individual. This ensures the humaneness and the humanization of a practice that needs to meet a variety of challenges, one by one [28]. The answer is not simple; it is always unique and can only be approached by a multidisciplinary, time-consuming, open discussion, which will never erase uncertainty.

    View all citing articles on Scopus
    1

    Groupe de réflexion sur les aspects éthiques de la périnatologie (Société française de néonatologie, Société française de médecine périnatale, Collège national des gynécologues–obstétriciens de France) : Umberto Simeoni (service de néonatologie, hôpital de La Conception, APHM, Marseille, France), Anna-Grazia Altavilla (Espace éthique méditerranéen, CHU de Marseille, France), Pierre Andrini (service de médecine néonatale et réanimation infantile, CHU de Grenoble, France), Yannick Aujard (service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, APHP, Paris, France), Elie Azria (service de gynécologie–obstétrique, hôpital Cochin–Port-Royal, APHP, Paris, France), Pierre Bétrémieux (service de néonatologie, CHU de Rennes, France), Laurence Caeymaex (service de réanimation néonatale, hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France), Michel Collet (service de gynécologie–obstétrique, CHU de Brest, France) Christian Dageville (service de pédiatrie, CHU de Nice, France), Claude Danan (service de néonatologie, CHI de Créteil, France), Thierry Debillon (service de médecine néonatale et réanimation infantile, CHU de Grenoble, France), Michel Dehan (service de réanimation néonatale, hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France), Sophie Denizot (service de réanimation pédiatrique et néonatale, CHU de Nantes, France), Marc Dommergues (service de gynécologie–obstétrique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris, France), Caroline Farnoux (service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, APHP, Paris, France), Alain Fournié (service de gynécologie–obstétrique, CHU d'Angers, France), Francis Gold (service de néonatologie, hôpital Trousseau, APHP, Paris, France), Jean-Bernard Gouyon (service de néonatologie, CHU de Dijon, France), Marc Grassin (Institut catholique de Paris, faculté de philosophie, France), Béatrice Guidicelli (service de gynécologie–obstétrique, hôpital de La Conception, APHM, Marseille, France), Marie-Luce Huillery (service de néonatologie, CHU de Rennes, France), Pierre-Henri Jarreau (service de médecine néonatale de Port-Royal, groupe hospitalier Cochin–Saint-Vincent-de-Paul, APHP, Paris, France), Pierre Kuhn (service de médecine et réanimation néonatale, CHU de Strasbourg, France), Pierre Le Coz (Espace éthique Méditerranéen, CHU de Marseille, France), Pierre Lequien (service de médecine néonatale, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, France), Dominique Mahieu-Caputo (service de gynécologie–obstétrique, hôpital Bichat-Claude-Bernard, APHP, Paris, France), Guy Moriette (service de médecine néonatale de Port-Royal, groupe hospitalier Cochin–Saint-Vincent-de-Paul, APHP, Paris, France), Denis Oriot (service de pédiatrie, CHU de Poitiers, France), Sophie Parat (Maternité, hôpital Necker–Enfants-Malades, APHP, Paris, France), Francis Puech (service de gynécologie–obstétrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, France), Suzanne Rameix (service de philosophie morale et politique, département d'éthique, CHU Henri-Mondor, université Paris-12, France), Jean-Claude Ropert (service de néonatologie, centre hospitalier de Neuilly, France), Jean-Christophe Rozé (service de réanimation pédiatrique et néonatale, CHU de Nantes, France), Laurent Storme (service de médecine néonatale, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, France).

    View full text