Mise au pointL'information dans le contexte du soin périnatal : aspects éthiquesInformation in perinatal medicine: ethical aspects
Introduction
Le texte que nous proposons ici s'inscrit dans une démarche du Groupe de réflexion sur les aspects éthiques en périnatalogie, où sont également abordés les thèmes des naissances aux limites de viabilité, de la fin de vie en service de réanimation néonatale, des soins palliatifs et des statuts respectifs du fœtus et du nouveau-né, pour lesquels des textes seront publiés [1]. Le présent article porte sur les aspects éthiques de l'information dans le contexte du soin périnatal.
L'information du patient est une obligation morale et légale, et ce, en dehors de toute considération utilitariste, notamment de son caractère indispensable pour permettre un consentement éclairé ; il s'agit d'un droit fondamental du patient, indépendamment de tout usage qu'il en fait. En médecine périnatale, comme dans toute autre forme d'exercice médical, l'information doit être considérée comme une part intégrante du soin. Il existe cependant, en matière d'information, une différence importante entre le contexte périnatal et les autres situations de soin, différence qui tient notamment à l'interlocuteur des soignants. En effet, les soignants en obstétrique ou en néonatalogie sont toujours face à une mère ou future mère, et très souvent un père ou futur père, et ils ont le devoir d'apporter les meilleurs soins aussi bien à la mère qu'au fœtus et par la suite au nouveau-né. À la différence des situations de soins adultes, leur interlocuteur n'est pas directement ou exclusivement la personne soignée. De plus, le risque, sujet principal de l'information, qu'il soit lié à une situation pathologique ou non, ou en rapport avec une intervention diagnostique ou thérapeutique, n'est pas le même pour la mère ou le père ou l'enfant né ou à naître.
Si l'usage courant du verbe informer lui a conféré le sens de « porter quelque chose à la connaissance de quelqu'un », son étymologie amène à dépasser ce sens premier. « Informer » devient alors « in-former » du latin informare qui signifie « représenter » ou « décrire », mais aussi « mettre en forme ». Informer, dans son sens aristotélicien, veut dire « donner une forme à la matière » (P. Le Coz, communication personnelle), matière qui, dans le contexte qui nous intéresse, n'est pas inerte. Elle est faite des savoirs, des croyances, des perceptions et des affects d'hommes et de femmes, parents ou en situation de le devenir, de médecins et plus généralement de soignants. Elle est ainsi, le reflet de subjectivités individuelles avec lesquelles il faut compter. Informer n'est donc pas se limiter à délivrer une connaissance qui viendrait occuper un terrain vierge. Aucun terrain n'est vierge et ce, d'autant plus qu'il existe une multiplication des sources et ouvrages de vulgarisation, notamment par Internet, responsable d'une extraordinaire diffusion d'informations plus ou moins exactes ou approximatives qu'il importe de prendre en compte.
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Information : droit fondamental de la personne malade ou de ses représentants légaux
Au niveau international et européen, la Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine de 1997 [2] reconnaît le droit à l'information et à la prise en compte de la volonté du patient, non comme une simple obligation du professionnel de santé, mais comme un droit fondamental du patient. Elle consacre, en effet, dans son article 5 le principe du consentement comme une condition nécessaire à toute intervention (le texte entend « intervention » dans son sens le plus large, comprenant les
Acteurs
L'information est en premier lieu une rencontre et ne peut se concevoir que comme un échange qui commence par l'écoute de l'autre. Seule cette écoute permet la découverte de la mère, du père, du couple auxquels nous nous adressons. Elle permet d'appréhender leurs références culturelles et éventuellement leur degré de compréhension de la langue ainsi que leurs références philosophiques ou religieuses. Elle renseigne sur la place de cet enfant, né ou à naître, dans leur histoire, dans leur
Cohérence
La multiplicité des soignants est une caractéristique de la médecine telle qu'elle est actuellement pratiquée, notamment la médecine périnatale. Ces soignants sont différents par leurs métiers, leurs compétences, leurs expériences personnelles, et appelés à intervenir à des moments différents : pendant la grossesse, à la naissance ou en période néonatale. À cette multiplicité des soignants, s'ajoute celle des lieux de prise en charge, qui du fait d'une organisation en réseaux de soins
Quelle information ?
La Cour de cassation [17], en s'appuyant sur l'article 35 du Code de déontologie, a précisé les caractéristiques de l'information qui doit être « claire, appropriée et loyale ».
Comment délivrer l'information ?
Dans tous les cas, la priorité doit être donnée à l'information orale, dispensée dans un environnement aménagé de telle sorte que la dignité des parents soit respectée. Les nouvelles quotidiennes sont inévitablement recherchées auprès des nombreux membres de l'équipe soignante. Les informations « importantes », celles qui engagent l'avenir de l'enfant, peuvent être, suivant les choix d'organisation des services, du ressort d'un senior « référent », celui par exemple que les circonstances auront
Information et urgence
Le caractère urgent d'une situation, imposant décision et action aussi rapides que possible n'est pas rare en médecine périnatale. Comment, dans un contexte d'urgence, préserver les valeurs que nous avons promues ? Comment le faire lorsqu'une femme vient consulter aux urgences de la maternité à la 24e semaine d'aménorrhée, après avoir rompu la poche des eaux, qu'elle présente des contractions douloureuses et rapprochées, une anxiété majeure et des signes laissant penser que l'accouchement aura
Information : pourquoi faire ?
En premier lieu parce qu'elle est due à la mère et au père. Ce fœtus ou cet enfant est le leur, à un moment où la famille se crée ou se développe. Il n'est pas de données concernant sa vie et sa santé qui ne doivent leur être communiquées. C'est à ce titre que l'information quotidienne n'est pas moins importante que celle délivrée en situation de crise.
Cependant, l'enfant n'est pas seulement un patient : il est là, bien vivant, et sa vie à l'hôpital est déjà sa vie, à part entière. Les parents
Références (22)
- et al.
Obtaining informed consent to neonatal randomised controlled trials: interviews with parents and clinicians in the Euricon study
Lancet
(2000) - et al.
Les aspects éthiques de la médecine périnatale : réflexions d’un groupe de travail multidisciplinaire
Arch. Pediatr.
(2007) - Conseil de l'Europe. Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard...
- Rapport explicatif à la Convention d’Oviedo http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/195.htm:para...
- Rapport explicatif à la Convention d’Oviedo http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/195.htm:para...
- Rapport explicatif à la Convention d’Oviedo http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Reports/Html/195.htm:para...
- Code de la santé publique. art....
- Code de la santé publique. art. L-1111-2...
- Anaes. Information des patients: recommandations destinés aux médecins, 2000....
- Haute Autorité de santé. Accès aux informations concernant la santé d’une personne. Modalités pratiques et...
Cited by (22)
Propositions for perinatal care at extremely low gestational ages – Working group on “Extremely low gestational ages” for SFMP, CNGOF, and SFN
2020, Gynecologie Obstetrique Fertilite et SenologieAntenatal management in case of preterm premature rupture of membranes before fetal viability: CNGOF Preterm Premature Rupture of Membranes Guidelines
2018, Gynecologie Obstetrique Fertilite et SenologieNeonatal renal replacement therapy: An ethical reflection for a crucial decision
2018, Archives de PediatrieCitation Excerpt :They can only be overcome by the requirement to take into account both concrete on the ground realities and general principles and values acknowledged to be a basis for respecting the individual. This ensures the humaneness and the humanization of a practice that needs to meet a variety of challenges, one by one [28]. The answer is not simple; it is always unique and can only be approached by a multidisciplinary, time-consuming, open discussion, which will never erase uncertainty.
Palliative care for newborn infants with congenital malformations or genetic abnormalities
2017, Archives de PediatriePerinatal palliative care in France: Who? Why? How?
2016, Archives de PediatrieTo make live or let die at the limit of fetal viability, a perspective to think on social inequalities in health
2015, Ethics, Medicine and Public Health
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Groupe de réflexion sur les aspects éthiques de la périnatologie (Société française de néonatologie, Société française de médecine périnatale, Collège national des gynécologues–obstétriciens de France) : Umberto Simeoni (service de néonatologie, hôpital de La Conception, APHM, Marseille, France), Anna-Grazia Altavilla (Espace éthique méditerranéen, CHU de Marseille, France), Pierre Andrini (service de médecine néonatale et réanimation infantile, CHU de Grenoble, France), Yannick Aujard (service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, APHP, Paris, France), Elie Azria (service de gynécologie–obstétrique, hôpital Cochin–Port-Royal, APHP, Paris, France), Pierre Bétrémieux (service de néonatologie, CHU de Rennes, France), Laurence Caeymaex (service de réanimation néonatale, hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France), Michel Collet (service de gynécologie–obstétrique, CHU de Brest, France) Christian Dageville (service de pédiatrie, CHU de Nice, France), Claude Danan (service de néonatologie, CHI de Créteil, France), Thierry Debillon (service de médecine néonatale et réanimation infantile, CHU de Grenoble, France), Michel Dehan (service de réanimation néonatale, hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France), Sophie Denizot (service de réanimation pédiatrique et néonatale, CHU de Nantes, France), Marc Dommergues (service de gynécologie–obstétrique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris, France), Caroline Farnoux (service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, APHP, Paris, France), Alain Fournié (service de gynécologie–obstétrique, CHU d'Angers, France), Francis Gold (service de néonatologie, hôpital Trousseau, APHP, Paris, France), Jean-Bernard Gouyon (service de néonatologie, CHU de Dijon, France), Marc Grassin (Institut catholique de Paris, faculté de philosophie, France), Béatrice Guidicelli (service de gynécologie–obstétrique, hôpital de La Conception, APHM, Marseille, France), Marie-Luce Huillery (service de néonatologie, CHU de Rennes, France), Pierre-Henri Jarreau (service de médecine néonatale de Port-Royal, groupe hospitalier Cochin–Saint-Vincent-de-Paul, APHP, Paris, France), Pierre Kuhn (service de médecine et réanimation néonatale, CHU de Strasbourg, France), Pierre Le Coz (Espace éthique Méditerranéen, CHU de Marseille, France), Pierre Lequien (service de médecine néonatale, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, France), Dominique Mahieu-Caputo (service de gynécologie–obstétrique, hôpital Bichat-Claude-Bernard, APHP, Paris, France), Guy Moriette (service de médecine néonatale de Port-Royal, groupe hospitalier Cochin–Saint-Vincent-de-Paul, APHP, Paris, France), Denis Oriot (service de pédiatrie, CHU de Poitiers, France), Sophie Parat (Maternité, hôpital Necker–Enfants-Malades, APHP, Paris, France), Francis Puech (service de gynécologie–obstétrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, France), Suzanne Rameix (service de philosophie morale et politique, département d'éthique, CHU Henri-Mondor, université Paris-12, France), Jean-Claude Ropert (service de néonatologie, centre hospitalier de Neuilly, France), Jean-Christophe Rozé (service de réanimation pédiatrique et néonatale, CHU de Nantes, France), Laurent Storme (service de médecine néonatale, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, France).